L'argent facile au VN

Publié le par Pham Anh Dung

Entre Japon et Vietnam 
 

Bill Bonner, co-fondateur de La Chronique Agora, au Nicaragua  
 

Dans le monde entier, c'est encore du papier qu'on achète.  
 

* Même si la Banque du Japon a fait un minuscule premier pas vers la normalisation de ses taux d'intérêt et doublé son taux directeur -- de 0,25% à 0,5% --, le yen a chuté suite à cette nouvelle, parce que la Banque du Japon a montré, une fois encore, qu'elle est prête à fournir au secteur financier tout le crédit bon marché qu'il veut, et que rien de majeur ne va changer. Les spéculateurs pourront continuer à emprunter des yens et à les échanger contre des dollars néo-zélandais, par exemple, avant d'acheter des obligations néo-zélandaises pour engranger un joli gain de 5%. En faisant jouer un effet de levier de vingt sur leur capital, ils pourraient doubler la mise en un an. Un gestionnaire de fonds ayant mis 10 millions de dollars dans ce carry trade sur le yen pourrait emprunter l'équivalent en yens de 200 millions de dollars, investir la somme dans des obligations néo-zélandaises, faire un profit net (après avoir payé les intérêts sur son prêt) d'environ 10 millions de dollars et prendre 20% pour lui-même -- ce qui lui fait deux millions de dollars sur une seule transaction.  
 

* Le carry trade fait le bonheur de tous. Les Japonais sont heureux parce qu'ils pensent que leurs taux de prêt bas permettent à leur économie de continuer à se développer. La croissance du PIB japonais est de 4,8% -- pas trop mal. Et les actions japonaises sont désormais à un sommet de 15 ans, même si cela ne signifie pas grand'chose dans la mesure où elles se sont effondrées il y a 18 ans de ça, et ont encore beaucoup de chemin à parcourir avant de retrouver leur point de départ de 1989. Les investisseurs des hedge funds sont heureux parce qu'ils ont enregistré un gain de 80%. Et tous les autres investisseurs sont heureux parce que le Japon participe au grand flot de liquidités qui les rend riches... ou du moins qui leur donne toutes les apparences de la richesse.  
 

* Le Financial Times nous en dit plus : "après avoir vu l'indice principal de son marché boursier grimper de 249% ces 13 derniers mois, la classe moyenne émergente du Vietnam est en pleine folie boursière ; les étudiants, les fonctionnaires et les gérants d'entreprises nationalisées ayant de l'argent de côté se précipitent tous sur les actions et rêvent de profit miraculeux".  
 

* "La récente ruée sur les grandes valeurs, avec 107 sociétés cotées, était nourrie en partie par les investisseurs étrangers désireux de se positionner sur l'une des économies à la croissance la plus rapide d'Asie".  
 

* Pourquoi le Vietnam est-il fou de Bourse ? Une partie de la réponse provient du fait que le Vietnam privatise et adopte certains éléments du système capitaliste occidental. Mais le facteur principal, c'est qu'il y a beaucoup d'argent dans le monde, et que cet argent ira partout où il peut prendre du bon temps.  
 

* "C'est de la frénésie", déclare Jonathan Pincus, chef économiste des Nations Unies à Hanoi. "A Hanoi, on ne parle que des gens qui investissent en bourse. Je ne sais pas si les gens savent ce que valent les sociétés lorsqu'ils achètent leurs actions".  
 

* "Jusqu'à récemment", continue le Financial Times, "les Vietnamiens avaient tendance à mettre ce qu'ils avaient d'épargne dans des actifs plus traditionnels comme l'or ou l'immobilier. Mais l'an dernier, le nombre de comptes-titres sur le marché vietnamien a quasiment quadruplé, passant de 32 000 à 120 000".  
 

* Qui sait comment on dit "bulle" en vietnamien ? Les traders vietnamiens sans expérience ne l'ont probablement pas encore appris. Peut-être n'ont-ils pas non plus de mot pour dire "krach". Nous ne sommes sûr de rien, mais nous parierions que le lexique vietnamien se retrouvera plus riche de deux mots lorsque les investisseurs se retrouveront floués par la disparition de l'équivalent de plusieurs millions de dollars d'actifs papier. A ce moment-là, les Vietnamiens qui achetaient de l'or et de l'immobilier recommenceront probablement à acheter de l'or et de l'immobilier.  
 

Mais tout ça, c'est du futur. Et si l'on en croit The Economist, le futur pourrait bien être du passé. "La fin de l'ère du krach", peut-on lire en titre du magazine ; l'image montre des dinosaures au corps recouvert de pièces d'or. Il se pourrait que vous n'ayez plus besoin de pièces d'or, déclare l'article, parce qu'elles étaient censées vous protéger contre des choses du passé. Dans cette nouvelle ère, pas de krach ne signifie pas besoin de protection contre le krach. Pas besoin de protection contre le krach ne signifie pas besoin d'or.  
 

* Mais attendez... que voyons-nous ? Le prix de l'or a grimpé de 23 $ mercredi, pour atteindre 684 $. Voilà qui nous dit quelque chose -- mais quoi ?  
 

* L'or, c'est ce qu'on achète lorsqu'on s'inquiète du fait que le papier n'a pas forcément autant de valeur que le pensent d'autres investisseurs. Ce qu'on a au plus haut d'une expansion de crédit, c'est une grande quantité d'actifs financiers -- des actifs papiers -- qu'on a fait grimper à des prix qu'ils ne méritent pas. Il suffit de regarder le marché vietnamien. Une entreprise fabriquant des câbles de cuivre vient d'y être introduite avec une capitalisation boursière de 140 millions de dollars. La société ne réalise que 1,1 millions de dollars de profits, ce qui nous donne un PER bien supérieur à 100. La fabrication de câbles en cuivre, voilà qui n'est pas exactement une activité high tech à la croissance fulgurante. Nous pouvons donc imaginer que les investisseurs s'emballent et que le papier qu'ils achètent ne vaut pas autant qu'ils le pensent. Bien entendu, ce qui se passe ensuite, on peut s'y attendre. Le prix du papier baisse. L'or, qui tend à conserver une valeur intrinsèque quoi qu'il arrive, sera, en termes relatifs, un meilleur endroit pour l'argent d'un investisseur.  
 

* Toutes les ères ont leurs espèces en voie de disparition -- mais nous doutons que l'or soit le dinosaure d'aujourd'hui. Nous supposons que c'est l'expansion de crédit qui est sur le point de s'éteindre, et non l'or. Et lorsque la première rendra l'âme, c'est vers le second que les gens se tourneront pour plus de sécurité.

 

 

 

Publié dans Economie

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