La Chine Et Ses Marches
La Chine et ses "marches".
Le Kouo-Min-Tang a gagné les élections présidentielles à Taïwan. Ironie de l'histoire, ce parti "nationaliste" , héritage de la guerre civile et de la séparation en deux Chine, qui a imposé pendant plus de vingt ans la dictature d'un parti unique, se présente aujourd'hui comme le parti prochinois. Pékin devrait se réjouir de cette victoire fermant la parenthèse d'un double mandat des indépendantistes. Cela leur laisse un peu de répit. Le Tibet restera le seul foyer qui focalisera l'opinion sur ces vestiges de ce que François Joyaux, grand spécialiste de la Chine, a appelé la "tentation impériale".
Fini le temps de la victimisation, du tiers-mondisme et de l'encerclement par les impérialistes. La Chine est devenue une grande puissance dans tous les sens du terme, la troisième économie mondiale. De l'usine du monde, elle est aujourd'hui la créancière de plusieurs pays, dont les Etats-Unis, indirectement par les bons du trésor. Elle tient à bout de bras cette économie capitaliste, qualifiée de "pourrie" il y a à peine vingt ans. Bref, on peut la regarder avec plus d'objectivité , sans cette espèce de compassion douteuse et hypocrite.
Evidemment, on ne refait pas l'histoire. On n'essaiera pas d'ouvrir la boîte de Pandore mais l'histoire est ainsi faite. La victime d'hier devient l'agresseur d'aujourd'hui. Qui aurait cru que l'Etat d'Israël serait qualifié de fasciste par Mme Royal, que les Juifs recevraient en pleine figure la Shoah avec sa politique à l'égard des Palestiniens ? Que les Chinois reçoivent aujourd'hui le retour du boomerang tibétain fait partie de ces méandres de l'histoire qui n'est jamais lisse et définitive et qui nous rappelle à beaucoup de modestie et d'humilité dans nos observations.
Le Tibet - pour ne parler que de son histoire récente - n'a jamais oublié que la Chine avait imposé par un traité inégal, du 23 mai 1951, de 17 points qui livrait ce pays à la domination des communistes. Que la CIA ait manœuvré dans les coulisses pour exfiltrer le Dalaï-lama hors des frontières, chacun le sait. La géopolitique est l'une des hantises pour les dirigeants chinois. Sauver les "marches" a toujours été la ligne prioritaire de la politique étrangère ou domestique chinoise. Le Xinjiang, la Mongolie intérieure, le Tibet, Hong Kong, Macao. Un jour Taïwan devra rejoindre le giron national. Mais à quel prix ? Surtout, dans la vision de Sun Yat Sen, la Corée, le Népal, la Birmanie, le Bhoutan étaient considérés comme les "territoires perdus" par la Chine.
Pourquoi les Chinois doivent-ils réprimer la révolte tibétaine, de la manière la plus radicale ? Pour ne pas donner des idées aux autres peuples, par exemple les Ouïghours, qui demandent toujours plus d'autonomie, de respect de spécificités culturelles, historiques, linguistiques, religieuses, de lecture plus équitable des droits de l'homme. Cette vaste mosaïques de peuples et d'ethnies réunis par les Han par la force - Mao parlait de "libération" pour le Tibet quand il lançait l'armée rouge à l'assaut du toit du monde - ne peut pas se permettre de concessions tant qu'elle restera dirigée par le parti unique qui érige la stabilité et la dictature comme seules forces pour son maintien au pouvoir. Non seulement la Chine s'applique à elle-même cette politique, mais elle fait "profiter" à ses voisins qui voient dans cet exemple la réussite du socialisme pragmatique. En Birmanie, Pékin n'a pas hésité à sacrifier le Parti communiste birman pour soutenir la junte militaire pour des raisons que l'on connait. Il en est de même pour les communistes thaïlandais prochinois qui ont littéralement disparu du paysage politique par la volonté de Pékin.
Les besoins de pétrole ont poussé les Chinois à lorgner vers les îles de la Mer de Chine du Sud. Jusqu'à quand les pays comme le Vietnam, les Philippines, la Malaisie accepteront- ils la revendication chinoise sur l'ensemble des "lots des mers du Sud". Les relations qu'entretient Pékin avec les entités régionales ne sortiront pas, selon les Chinois, du cadre strictement mercantile. Déforestations en Birmanie, au Laos où de concessions en concessions, les Chinois finiront par dominer toute l'économie, des accords de partenariat très étroits unissent la Mongolie et le Népal à l'ancien Empire du Milieu.
Les soubresauts tibétains s'éteindront après les JO. Quelques centaines de courageux auront laissé leur vie pour faire braquer les projecteurs sur leur sort. Et les rideaux se refermeront. Plus rien à voir, circulez ! Comme d'habitude. Le président Sarkozy aura fait gagner des milliards aux entreprises françaises. Le président Bush et son (sa) successeur auront fait triompher des entreprises américaines. Des "gâcheurs de fêtes" rentreront chez eux, las encore une fois de l'hypocrisie des politiques qui préfèreront parler pognon plutôt que droits de l'homme. le Dalaï lama sera peut-être reçu à Pékin, par Hu Jintao, celui-là même qui a écrasé dans le sang, les révoltes des années 1988-1989. J'en fais le pari. Tout rentrera dans l'ordre. L'île de Taïwan, sous la direction du KMT, effectuera des rapprochements avec Pékin. Progressivement, lentement mais sûrement, la Chine, "un pays, deux systèmes", comme Hong Kong, s'avancera. Elle sera la première économie du monde, avec ses problèmes à résoudre, comme d'autres les ont connus avant de connaître le déclin . Ainsi va la vie !